ELLE....
Il la regardait, ses yeux tout entiers se rassasiaient de la voir. Elle n’en finissait pas de le surprendre. Toujours différente, chaque journée qui commençait lui apportait une physionomie nouvelle, elle était caméléon, toujours assortie au temps, aux couleurs, aux humeurs, et même aux odeurs. Elle était sa madeleine… quand il la voyait, immédiatement surgissait dans son esprit, des images de plaisir. Les instants qu’elle lui accordait étaient les étincelles du feu de son absence. Alors quand elle partait. Il se précipitait dans son atelier, les yeux fermés pour être sûr qu’aucune parcelle de ses souvenirs ne se diluerait dans l’atmosphère. C’est à tâtons qu’il rassemblait ses couleurs, ses brosses. Enfin il entrouvrait les yeux… à peine, prudemment. Il saisissait avec délicatesse le plus doux de ses pinceaux et commençait à effleurer la toile immaculée du lit de son inspiratrice. Petit à petit sous ses caresses furtives et délicates elle se découvrait. Elle apparaissait, toujours plus belle et attirante.
Ce jour, plus que nul autre, il la désirait ardemment. Son corps tout entier était tendu. Son âme crépitait de désir inassouvi. Elle était venue, ce matin encore, elle avait pris soin de lui. Elle avait pétrit chaque centimètre carré de sa peau, elle l’avait enduit d’onguents parfumés. Elle l’avait entouré d’attentions. Sa chair meurtrie, avait reçu cette offrande avec délices. Il n’avait rien dit, il ne disait jamais rien quand elle était là. Il ne pouvait pas parler, il ne faisait que la regarder. Qu’ingurgiter à grandes lampées les goulées du plaisir qu’il avait à la contempler. Une fois qu’elle fut partie. Il se plut à l’imaginer sienne. Il était seul, son âme était au ciel, son corps brulait au milieu des feux de l’enfer. Il avait mal, le répit habituel avait peu duré. Il sentait sa carcasse se déformer, victime involontaire d’un séisme aléatoire et brutal. En serrant les dents il rejoignit son antre. Il sentait que bientôt celui-ci ne lui serait plus accessible. Il sentait monter en lui parallèlement à son désir, de l’agressivité. Pour une fois il avait les yeux bien ouverts. Il voulait laisser échapper sa violence, espérant ainsi être rassasié du désir qu’il avait. C’était la première fois qu’il la brutalisait sur ce lit de lin. Elle avait perdu sa candeur. Il se l’offrait enfin, liée et exposée. Sa peau irisée reflétait toute la passion qu’il avait enfin libérée. Il était enfin affranchi. D’esclave docile, il était passé maitre. Il se sentait fort, puissant. Enfin, il avait laissé exploser l’animalité de son désir. Sa petite infirmière ne le saurait jamais… mais peut-être le lirait-elle, dans son regard enfin apaisé. Il pouvait à présent laisser la torpeur de la paralysie l’envahir. Il n’avait plus besoin de combattre. Il avait gagné sa guerre.
...Merci!