Insomnies
Je me réveille juste et j’ai déjà la nausée. La nuit s’est mal passée, comme les précédentes et comme les prochaines. Je n’arrive plus à dormir. Je me couche et j’attends le sommeil qui ne vient jamais. En désespoir de cause, je finis par me lever et, ou, je m’assomme de comprimés salvateurs, ou, je vais sur internet. Aller sur la toile n’est pas forcément une bonne solution, je ne fréquente que des sites pas très gais. Des forums, des blogs, ou autres, qui accompagnent mon humeur. Au moins comme ça, je sens moins ma solitude. Je vis seul. Mon appartement est étriqué, mal arrangé. A quoi bon faire un effort : personne n’y vient jamais ! Si ! Je mens, une ou deux fois j’ai réussi à y amener une fille, qui n’attendait même pas le matin pour filer. Faut dire que pour moi, c’est tellement exceptionnel que mes performances sexuelles ne sont pas fameuses ! De toute façon je n’aime pas ça. Enfin je sais pas ? Peut-être que je m’y prends mal, je ne sais pas y faire. Je suis tellement concentré sur mon « affaire » que…
J’ai plus de café. Merde ! Tant pis je fais repasser de l’eau dans le filtre usagé, c’est pas la première fois, et de toute façon le café, pour moi, qu’il soit réchauffé, bouilli, raté et même bon : je ne fais pas la différence ! Alors !
Il est déjà 7h30. Il faut que je parte. Pour aller bosser, j’ai 1h45mm de transport. Si toutefois, il n’y a pas de grève !
Mes journées ressemblent à mes nuits.
Je n’ai pas sommeil. Alors j’écris tout en me baladant sur le net.
C’est dingue, le nombre de personnes qui sont au bord du gouffre. Je me sens voyeur, mais le malheur des autres me rassure. Ainsi je ne suis pas unique, mon malaise devient de cette façon presque une normalité. Certains programment même leur suicide. Ils préviennent que demain, ils ne seront plus là. Ils y a quelques nuits, j’ai croisé le blog d’une fille qui m’a vraiment impressionné. Elle se lacère, puis expose ses blessures. A la fois exhibition et punition. Elle commente sa douleur et son envie d’en finir. Décidément je ne suis pas si mal que ça… Cela dit, afficher son malaise aussi crûment doit permettre de l’exorciser. Je ne me sens pas capable de faire de même. Cette forme de torture lancinante, d’agonie prolongée donnée en spectacle, aussi désespérée qu’elle soit, doit être assez jouissive. Ce n’est décidément pas pour moi. Si je devais en finir, je ne voudrais surtout pas qu’il y ait des spectateurs. D’ailleurs ce n’est pas la mort qui m’attire. C’est plutôt un retour au néant. Je ne me suis jamais senti à ma place dans cette existence. Un peu, comme si j’étais de trop, un parapluie un jour de soleil, un troisième gant, le « cherchez l’erreur » d’une image. Je voudrais libérer cette place que j’occupe abusivement. Pas de souffrance. Pas de larmes et surtout pas de mémoire. Que ma place soit aussitôt comblée. Oublié, gommé, pas de traces de mon passage. C’est une solution de facilité… j’en ai bien conscience, une lâcheté avouée. L’anesthésie définitive n’est pas une solution. Elle me permet ainsi, en espérant le néant, de stagner dans mon marasme moral. Je ne m’investis réellement en rien, pas de passions, pas de « hobbies » pour occuper mon espace temps libre. Mon corps, un peu déglingué, n’est pas fait pour le sport. Mes mains n’ont jamais aimées se cramponner à un outil quelconque. Je n’ai jamais eu envie de refaire ce monde, dans lequel je ne trouve pas ma place, avec des amis qui finissent toujours par me fuir. Je suis comme un ballon qui ne rebondit pas. Je ne cours après personne. Je n’attends rien, sinon que le temps passe. Un jour, tout s’arrêtera tranquillement, définitivement. Retour au néant que je n’aurais jamais dû quitter.
Il est tard, et, même si le sommeil ne m’atteint pas, je vais m’allonger et fermer les yeux en attendant que la chimie fasse son effet. Demain, j’ai beaucoup de travail.